Un 21 novembre en Haute Loire

Publié le 14 Décembre 2015

Le Puy – Firminy. Cela fait quelques années que l’idée de participer à cette course me titille. Depuis mon dernier aller / retour sur la Lyon-Sainté-Lyon en 2012, j’ai un peu déserté les courses qui ne sont pas purement goudronnées. Exception faite de quelques promenades dans les monts du Lyonnais voisins. Il faut dire que lorsqu’on a pris l’habitude de profiter du confort de la route, c’est difficile de revenir courir dans les chemins boueux et remplis de cailloux où on se tord les chevilles et où on se bousille les genoux. De cette hivernale on sait déjà beaucoup de choses sans même y être allé, et c’est aussi ce qui m’y attire : une ambiance conviviale et pas mercantile, pas mal de goudron, et une organisation plus « roots » que « bling bling » : en résumé tout l’opposé d’une certaine autre couse elle aussi hivernale, elle aussi qui s’élance à minuit, elle aussi qui relie deux villes. Comme cette année 2015, j’ai levé le pied question entraînement, je me suis même dit que 67 km en nocturne, c’était déjà pas mal pour faire une deuxième longue course après Millau. De retour de la classique Millavoise, je m’inscris donc pour cette fameuse course entre Haute Loire et Loire, à une époque de l’année où on préfère rester sous la couette.

L’entraînement s’est borné au minimum syndical. Après plusieurs années à cumuler des volumes conséquents, j’ai décidé fin 2014 de baisser la voilure, pour notamment avoir le temps de me remettre à écrire. C’est que ça prend du temps d’écrire un roman et ça ne se fait pas tout seul. Exit donc les séances à 4h du matin à la frontale, remplacées par des séances d’écriture. J’avais quand même remis un peu le bleu de chauffe en préparation de Millau mais rien de comparable avec les années précédentes. Et après les 100 km courus fin septembre, je me suis contenté d’entretenir la machine. Bref, j’arrive au départ de cette nocturne confiant sur mon endurance pour boucler 67 km mais un peu dans l’inconnue niveau fraîcheur et qualité des jambes. Après une heure de route sous des averses de neige - ce qui me rassure moyennement pour la suite du programme - Daniel me récupère à Firminy près de l’arrivée. Il me véhicule jusqu’au stade Lafayette du Puy où sera donné le départ. Accueil sympathique avec un café dans le local du club de rugby, un match de challenge européen sur l’écran de télévision pour attendre le départ : c’est parfait. On sent tout de suite l’ambiance rustique et simple de l’organisation, je me sens déjà à l’aise. Héritage de l’activité randonnée oblige ; pas de dossard, pas de puce électronique : un bon vieux carton à tamponner à chaque ravito et basta. Daniel repart et j’attends le départ qui a lieu à minuit. La petite salle se remplit rapidement, plus de 300 concurrents, ça devient vite une petite fourmilière compacte. Je croise Jean-Michel, quelques petits mots… Et il faut déjà descendre sous l’arche de départ. Une minute de silence en mémoire des victimes des attentats parisien et départ. Je pars doucement, me frayant un chemin parmi les marcheurs que je dépasse. Devant ça cavale vite, je n’aperçois même plus les premiers à la sortie du stade. Pour ma part, fidèle à ma devise : « doucement au début, pas trop vite au milieu et calmos à la fin » je me mets à mon rythme peinard, alternant marche et course selon la route. Je n’ai pas pris beaucoup de temps pour préparer cette course, je n’ai pas vraiment regardé le profil, mais je me souviens vaguement avoir repéré pas mal de côtes sur les 20 premiers kilomètres. Officiellement la course est donnée pour 1550m de D+ ce qui reste très roulant pour 67 kilomètres, je ne m’attends donc pas à des difficultés majeures, il faut juste gérer son effort pour ne pas se mettre dans le rouge. L’ambiance est détendue dans le peloton, les gens courent par petits groupes de deux ou trois et je ressens à leur attitude qu’il s’agit d’un rendez-vous d’habitués. Ça papote, ça rigole, bref les gens sont heureux d’être là et ça se sent. Même au ravitaillement, cela se ressent avec des bénévoles souriants, tranquilles, sereins. Ici pas de star ni d’éclats, ça ronronne gentiment et tout le monde joue son rôle. Je sors ma carte que je fais tamponner et je repars avec une pâte de fruit. J’ai un peu chaud. Le coupe-vent est de trop mais par moments le vent souffle sur les crêtes et il est plutôt froid. Je décide donc de garder mes 3 couches textiles et le bonnet de Bonson vissé sur le crâne. Côté jambes, ça se passe bien. Les 25 premiers kilomètres sont un peu longs à mon goût, j’ai moyennement travaillé et je le sens, j’ai du mal à me mettre dans le rythme. Dans les côtes je marche pour économiser la bestiole et ailleurs je cours à ma vitesse de confort, ma vitesse « 100 km » que je connais par cœur et qui est celle qui m’est le plus naturelle. Les patelins s’enchaînent, je loupe un ravito, je cours la plupart du temps seul, remontant des grappes disparates de coureurs dont j’aperçois les lueurs faibles des frontales au loin. Les panneaux d’indication « Le Puy Firminy » sur le bas-côté sont utiles car plusieurs fois je me demande si je ne me suis pas planté de route tant j’ai l’impression d’être seul. Je me retourne pour vérifier qu’une frontale apparaît, et c’est reparti. Au final je ne louperai aucun embranchement sans pour autant m’obséder avec cette idée, preuve que le balisage est parfait.

Après le 30ème kilomètre, les bornes s’enchaînent vite. Nous croisons très peu de voitures, mais en revanche quelques averses de neige pas très violentes mais bien réelles qui agrémentent la balade. Juste de quoi nous faire sentir que nous sommes bien un 22 novembre dans la nuit entre Le Puy et Firminy. Je cours en mode « touriste » c’est-à-dire sans vraiment me préoccuper des autres, juste calé sur mon rythme de confort, m’arrêtant à un ravito pour faire tamponner ma carte, échanger deux ou trois mots avec les bénévoles ; ces oasis de lumière et de chaleur dans la nuit sont des parenthèses de petits bonheurs. Soudain à un ravito je vois que je suis 8ème, ce qui m’étonne un peu mais du coup je me prends au jeu, et ça me motive pour garder un bon rythme jusqu’au bout. Entre chaque ravito je dépasse un ou deux concurrents, et je constate ma progression sur les feuilles de chronomètre lors des pauses « tampons de carte » : 6ème puis 5ème. L’objectif on s’en fout, je n’en avais pas d’autre que de finir sans me faire mal. Mais si on peut faire un top 5 je prends aussi. J’accélère les 10 derniers kilomètres pour conserver ma place, malgré le passage « tout terrain » où je sens clairement que je ne maîtrise pas grand-chose. Qu’il est loin le temps où je faisais du chemin, là mes appuis sont imprécis, fuyants et ma foulée anarchique au possible. Et ce n’est pas à cause de mes pompes de goudron, j’ai clairement perdu en facilité dans le gras et le rocher glissant depuis que j’empile les bornes sur la route. Bon, j’évite une belle gamelle et ressors du passage technique entier, l’objectif est donc atteint ; il me reste deux kilomètres, j’aperçois les lumières de Firminy, je surveille ma montre pour accrocher un « moins de 6h30 » qui est la cible que je me suis fixée depuis 20 bornes environ. Je me laisse emporter par la descente, puis je reconnais la route par laquelle je suis arrivé en voiture la veille. Curieuse impression de se dire qu’on est passé là en voiture quelques heures plus tôt mais qu’il fait toujours nuit. Je descends sur l’aire d’arrivée, passe l’arche déserte et pousse la porte du centre qui marque l’arrivée. Quelques applaudissements, et la table des bénévoles qui notent les heures d’arrivée et qui m’accueillent avec le sourire. On m’annonce un temps final de 6h22 et une 4ème place plutôt inattendue. Je vais chercher un coca au bar et je vais m’asseoir une petite demi-heure, discutant avec des bénévoles et d’autres coureurs. Avant de rentrer à la maison, une heure d’autoroute dans le confort de la voiture avec le chauffage, j’ai apprécié…
Au final, j’ai trouvé sur cette nocturne tous les ingrédients que j’étais venu y chercher : pas de star ni de chichi, des gens simples, une organisation efficace. Une course pas si facile que cela, avec des petites côtes qui savent casser les pattes si on n’y prend pas garde, mais de beaux moments de nature sauvage, avec les étoiles, et la campagne à la lueur de la frontale. Bref, tout ce qu’il faut pour passer une bonne nuit. Alors je reviendrai.

Rédigé par Oslo

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